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Console desserte "à la Grecque" estampillée J.F.OEBEN

Paris vers 1761-1768

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Jean-François Oeben (1721–1763)

Console desserte dans le « goût grec »
Paris, circa 1761–1768

Placage de satiné, amarante et buis. Bâti en chêne. Dessus de marbre blanc veiné

Estampillé J.F.OEBEN en haut du montant droit

Jean François Oeben, ébéniste du roi, reçu maître en 1761


Provenance :

Sotheby Parke Bernet & Co, Monaco, 12 février 1979, lot 276


Cette rare et élégante console-desserte d'époque néoclassique, réalisée vers 1760, illustre l’un des moments de transition stylistique les plus significatifs du XVIIIe siècle français. De forme architecturée, la façade de forme cintrée est rythmée par quatre pilastres en léger ressaut, ornés de cannelures simulées en marqueterie. Elle ouvre par un tiroir en ceinture, et deux tiroirs latéraux pivotants « à l’anglaise ». Les trois tablettes d’entrejambes ainsi que le fond plein sont en placage de satiné dans des encadrements d’amarante. Une élégante garniture de bronzes dorés souligne cette composition.


Jean François Oeben semble avoir été le premier ébéniste parisien à réaliser ce type de tables en consoles, liées au développement des salles à manger, pièce nouvelle, dont l’usage se répand dans les années 1750.


Notre console constitue vraisemblablement le pendant d’un meuble identique provenant des collections du baron Mayer Amshel de Rothschild au château de Mentmore, aujourd’hui conservée à Dalmeny House (Écosse) chez les comtes de Rosebery. Elle appartient à un corpus restreint de consoles à étagères exécutées dans l’atelier d’Oeben dans les années 1760, dont les formes architecturées — soulignées par des pilastres — s’inscrivent pleinement dans les premiers développements du néoclassicisme parisien.

Plusieurs consoles analogues attestent de cette production : une version en acajou massif, identique par sa forme et estampillée J.F. Oeben, est reproduite dans Nicolay, L’art et la manière des maîtres ébénistes, 1956, p.346, fig. J. Les deux pilastres en façade sont rudentés de cannelures de cuivre ornées d’asperges en bronze doré. Une autre console, également estampillée, différant uniquement par un décor de marqueterie de frise de grecques sur les tiroirs, figurait dans l’ancienne collection de Mlle Rémy (exposée au Musée des Arts décoratifs en 1955, cat. n° 233). Enfin, une paire de consoles très proches de la nôtre, décorées d’entrelacs et de fleurons en bronze, figurait dans la collection de la galerie Michel Meyer (Sotheby’s Paris, 9 novembre 2010, lot 206).


L’estampille J.F. Oeben nous permet de dater précisément cette console entre 1761, année de réception à la maîtrise de l’ébéniste, et 1768, date à laquelle Jean-Henri Riesener, son ancien collaborateur et successeur, reprend l’atelier et adopte sa propre estampille.


Jean-François Oeben, ébéniste du roi Louis XV, est l’un des plus créatifs et des plus éminents de sa génération. Véritable étoile filante foudroyée par la maladie, à l’âge de 41 ans, au sommet de sa gloire, il a été un des acteurs de la mutation du goût dans la deuxième partie du siècle des lumière. Originaire de Rhénanie, né à Heinsberg près d’Aix-la-Chapelle le 9 octobre 1721, non loin de la frontière hollandaise. Il s’établit à Paris et par son mariage en 1749 avec Françoise-Marguerite Vandercruse, sœur de Roger Vandercruse Lacroix (R.V.L.C.) il est introduit dans le milieu des grands ébénistes parisiens. Il entre en 1751dans l’atelier de Charles Joseph Boulle installé aux galeries du Louvre, dont il sous-loue l’atelier et prospère sous la protection de la marquise de Pompadour, à qui il fournit ses premiers travaux par l’intermédiaire du marchand mercier Lazare Duvaux. À la mort de Boulle en 1754, le marquis de Marigny, surintendant des bâtiments du roi et frère de Madame de Pompadour, lui propose la place d’ébéniste du roi, à la manufacture des Gobelins. Sa réputation va croissant, son atelier se spécialise dans les marqueteries florales de grandes qualité et les meubles à mécanisme, car Oeben est un brillant mécanicien. Il fait de nombreuses livraisons au Garde Meuble de la Couronne, obtient en 1759 un certificat de fournisseur des maisons royales et reçoit au début des années 1760 la commande du bureau du roi. Oeben aura effectué la majeure partie de sa carrière en dehors des règles de la jurande des menuisiers ébénistes, installé dans des enclos privilégiés, aux Gobelin, puis à l’Arsenal, où il était dispensé de la formalité d’estampiller. Pourtant à la fin de sa vie, pour les besoins de son commerce il ressent le besoin d’intégrer cette corporation et il obtient sa maitrise en 1761, deux ans avant sa mort, alors qu’il reçoit la commande du bureau du roi, qui vient couronner sa carrière.


Véritable vivier de talents l’atelier d’Oeben comptait parmi ses compagnons des personnalités de premier plan comme Jean François Leleu (1729-1807) et Jean Henri Riesener (1734-1806). Ce dernier, choisi par la veuve Oeben pour diriger l’atelier après 1763, perpétue l’influence stylistique de son maître. Il épouse sa veuve et rachète cet atelier en 1768 au moment de son accession à la maîtrise.


Notre console appartient aux meubles néoclassiques, produits dans l’atelier d’Oeben au moment de sa mort, et dans les années qui suivirent sous la direction de Riesener. Elle illustre bien ce premier néoclassicisme qui s’épanouit à la fin du règne de Louis XV dans les années 1760, et que l’on a nommé le « Goût Grec », en ce qu’il puisait son répertoire ornemental dans les formes de l’antiquité grecque et romaine. Ainsi le diplomate allemand Fréderic Melchior von Grimm témoignait dans ses chroniques, que « Depuis quelques années on a recherché les ornements et les formes antiques {…} tout est à Paris à la grecque » (Correspondances littéraires, 1763). Ce style grec, réagissant contre le style rocaille, se traduit ici par des lignes rectilignes au caractère architectural classique emprunté à l'ornementation et au vocabulaire gréco-romain. Initié dans le milieu des années 1750 par l'architecte Le Lorrain, cette nouvelle tendance a rapidement séduit une avant-garde d'amateurs et collectionneurs soucieux de rompre avec l'exubérance parfois excessive de la rocaille, comme madame de Pompadour ou plus radicalement Ange Lalive de July. Très rapidement, Jean-François Oeben s'est imposé comme l'un des ambassadeurs de ce "goût nouveau" auprès d'une clientèle toujours plus avide de nouveauté. C’est un moment particulier de la production de l’atelier d’Oeben, qui s’illustre également par des livraisons de meuble à la grecque pour le duc de Choiseul, nombreuses commodes à la grecque pour le château de Chanteloup, secrétaire et serre papier pour son hôtel parisien etc... L’influence d’Oeben sur ses contemporains fut très importante et sa contribution à l’évolution qui conduira à l’épanouissement du style Louis XVI est essentielle.


Bibliographie :

  • Nicolay, Jean, L'Art et la manière des maîtres ébénistes français au XVIIIe siècle, Paris, 1956, p. 346, fig. J.

  • Grands ébénistes et menuisiers parisiens du XVIIIe siècle, cat. exp. Musée des Arts décoratifs, Paris, 1955, cat. n° 233, pl. 25.

  • Connaissance des Arts, n° 45, novembre 1955, p. 76.

  • Catalogue de la galerie Michel Meyer, Paris, s.d., pp. 62–63.

  • Sotheby’s Paris, vente du 9 novembre 2010, lot 206.

Jean-François Oeben (1721–1763)

A late Louis XV ormolu-mouted bois satiné console 'à la Grecque'
Paris, circa 1761–1768
Satinwood and amaranth veneer, gilt bronze mounts, white marble top
Stamped J.F. OEBEN, Jean-Francois Oeben, master in 1761


Provenance :

Sotheby Parke Bernet & Co, Monaco, 12 février 1979, lot 276


This exceptional Neoclassical console table, forming a sideboard, is veneered in satinwood with amaranth borders and richly ornamented  with gilt bronze mounts. Its architectural form is defined by a curved front and four slightly projecting pilasters adorned with simulated fluting in marquetry. The console opens with a central frieze drawer and two pivoting side drawers "à l'anglaise". The three stretcher shelves and the paneled back are also in satinwood, framed with amaranth. The top is made of veined white marble.


Jean-François Oeben appears to have been the first Parisian cabinetmaker to create such console tables, developed in response to the emerging use of dedicated dining rooms in the 1750s. This console is probably the counterpart to another identical model, formerly in the Rothschild collection at Mentmore Towers and now housed in the collection of the Earls of Rosebery at Dalmeny House, Scotland.


This piece belongs to a rare group of consoles produced in Oeben’s workshop during the 1760s, distinguished by their Neoclassical architecture and decorative rigor. A console of the same model in solid mahogany, stamped by Oeben, is published in L’art et la manière des maîtres ébénistes by Nicolay (1956, p. 346, fig. J). Three other console are documented in notable 20th-century collections, such as a console with Greek key marquetery friezes in the collection of Mademoiselle Rémy by 1960, and a pair, very similar to our console, with interlaced gilt bronze drawer decoration, in the former collection of Galerie Michel Meyer.


The presence of Oeben’s stamp (J.F. OEBEN) allows for precise dating between 1761—the year of his reception into the guild—and 1768, when his former collaborator Jean-Henri Riesener acquired the workshop. After Oeben’s death in 1763, his widow Françoise-Marguerite Vandercruse managed the atelier, eventually passing its direction to Riesener, who became a master in 1768. This console signed J.F.OEBEN was most probably made under the supervision of Jean-Henri Riesener.


Oeben, originally from Heinsberg near Aachen, established himself in Paris in the mid-18th century. Married to Françoise-Marguerite Vandercruse, sister of the celebrated cabinetmaker Roger Vandercruse Lacroix, he was introduced into elite cabinetmaking circles. He joined Charles-Joseph Boulle’s atelier at the Louvre in 1751, and his career flourished under the patronage of Madame de Pompadour. He was appointed ébéniste du roi at the Gobelins in 1754 and became renowned for his mastery of marquetry and mechanical furniture. In the early 1760s he received the prestigious commission for the King’s desk, probably the most famous piece of French Royal furniture to this day.

Oeben's oeuvre reflects the stylistic shift away from Rococo toward the emerging Goût Grec—an early phase of Neoclassicism inspired by Greco-Roman antiquity. This console exemplifies that movement: its sober lines, architectural symmetry, and ornamental references to classical antiquity align with what German diplomat Friedrich Melchior von Grimm observed in 1763—“everything in Paris is in the Greek style.”


This workshop's importance in shaping late 18th-century taste is underscored by the presence of future masters such as Jean-François Leleu and Jean-Henri Riesener among Oeben’s collaborators. Though brief, Oeben's career marked a turning point in decorative arts, bridging Rococo and the full flowering of the Louis XVI style.


Selected Bibliography

  • Nicolay, Jean. L’Art et la manière des maîtres ébénistes français au XVIIIe siècle. Paris: Pygmalion, 1956. See p. 346, fig. J, for a related console table by Oeben in mahogany, of identical form and structure.

  • Musée des Arts Décoratifs. Grands ébénistes et menuisiers parisiens du XVIIIe siècle. Exhibition catalog. Paris: 1955. See cat. no. 233; pl. 25 for a marquetry console with Greek key frieze from the former Rémy collection.

  • Connaissance des Arts. No. 45, November 1955, p. 76. Illustration of the Rémy console exhibiting the same typology and stylistic vocabulary.

  • Sotheby’s Paris. Important Mobilier et Objets d’Art. Sale catalog, November 9, 2010, lot 206. Includes a pair of nearly identical consoles from the Michel Meyer collection.

galerie philippe guegan

12, rue de l'Université

75007 PARIS

Ouvert du mardi au vendredi de 14h30 à 19h

ainsi que sur rendez vous

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